Un nouveau champ des possibles

Par Jacinthe Lafrance, Le Nouvelliste

L’année 2025 annonce déjà un tournant décisif pour le monde horticole tel que cultivé par Pinard, à Sainte-Monique. Confiant dans l’expansion du marché floral, le grossiste diversifie son offre et se positionne sur le marché de la vente en ligne.

Au moment de souligner les 50 ans de l’entreprise et d’intégrer un nouvel associé, la compagnie laisse glisser le «et Frères» en dehors de son image de marque. Dans la foulée, Pinard mise sur le créneau des fleurs séchées comme nouveau champ des possibles.

D’ici deux ans, on estime pouvoir en tirer 10 pour cent du chiffre d’affaires de la compagnie spécialisée jusqu’ici en culture de fleurs annuelles et en services d’aménagement et d’entretien paysagers.

Une histoire de familles (avec un s)

C’est l’aïeul Jérôme Pinard qui a ouvert le bal des transformations internes en se lançant dans la production maraîchère avec la fraise pour spécialité. Alors que la vie agricole se vivait traditionnellement au rythme de la production laitière sur la terre des Pinard, ce passage de l’élevage à la culture était en soi une petite révolution.

En 1975, lorsqu’est fondé Pinard et Frères, l’animal a entièrement cédé sa place au végétal.

De génération en génération, la culture maraîchère s’est métamorphosée en production de fleurs annuelles. D’horticulteurs à paysagistes, il n’y avait qu’un pas…

Des trois frères associés issus de la troisième génération, Gabriel, Julien et Benoît Pinard, les deux premiers ont embrassé une nouvelle carrière. Le troisième s’est trouvé une alliée en Cynthia Gagné, sa conjointe et horticultrice de formation. En 2018, elle a pleinement acquis ses parts de l’entreprise où elle évoluait déjà depuis une douzaine d’années.

«On s’est retrouvés, Cynthia et moi, en pandémie, et c’est là que je me suis découvert entrepreneur», estime Benoit Pinard. Alors que l’entreprise perdait en ses frangins une somme d’expertise non négligeable, il a endossé le costume du directeur général tout en cultivant l’esprit de l’entreprise familiale. Cela à l’aube d’une période d’incertitude économique d’envergure mondiale.

On le sait à présent: cette pandémie a donné le goût de la couleur aux gens, tant dans les arcs-en-ciel accrochés aux fenêtres que dans les fleurs plantées au jardin. La production s’est emballée, si bien qu’on a dû sacrifier la vente au détail qui ne représentait qu’une mince part de son marché.

Le couple s’apprête aujourd’hui à conclure une entente d’actionnariat avec Gabriel Chênevert. Celui-ci œuvre dans le secteur de l’aménagement et de l’entretien paysagers depuis sept ans. Il suit ainsi les traces de sa mère, une employée de longue date dévouée aux soins des fleurs dans les serres.

«Quand la COVID est arrivée, j’ai donné cette chance-là aux gens. J’ai délégué et j’ai permis aux gens de prendre de la place», considère le seul descendant de Jérôme Pinard prenant part à la destinée de la ferme ancestrale, 50 ans après sa fondation.

La venue de Gabriel Chênevert perpétue néanmoins «l’essence familiale de la compagnie». Dans ce tournant, on laisse tomber le «et Frères» de la marque de commerce. Pour autant, Pinard (tout court) continue de miser sur un «rouage d’humains» pour entrer de plain-pied dans cette phase entrepreneuriale.

La fleur séchée au goût du jour

Chez Pinard, exit le bouquet terne et poussiéreux posé dans un vase en grès qui trônait dans le salon de nos grands-mères. Pour la nouvelle artisane de la fleur séchée, Cynthia Gagné, tout part de l’intention.

On ne cultive pas une fleur destinée à la conservation par le séchage de la même manière que les fleurs fraîches, explique-t-elle. En outre, tous les cultivars ne sont pas propices à composer une belle décoration durable, une fois séchés.

Afin de perfectionner cet art unique, l’horticultrice a sillonné la France avec son associé et conjoint pendant trois semaines l’hiver dernier. Leur quête: le savoir-faire d’artisans spécialisés dans la production des fleurs cultivées à dessein d’être séchées.

Cynthia et Benoît en reviennent avec une foule d’idées à expérimenter pour obtenir des gerbes de fleurs plus colorées les unes que les autres, récoltées à leur apogée et séchées dans des conditions optimales.

Le couple d’entrepreneurs a tâté le pouls d’une clientèle à conquérir par leur présence au marché Godefroy, durant trois weekends en décembre. Leurs bouquets et couronnes de fleurs, de graminées et de feuilles d’eucalyptus ont été somme toute bien reçus.

«Il y a beaucoup de gens qui se sont déplacés, qui nous ont dit: on vous a vus sur les réseaux sociaux et on est venus pour vous. Une cliente est même venue trois fois pour acheter des bouquets», rapporte Benoit Pinard à l’issue de cette première expérience de mise en marché.

Une saison de production allongée

Avec cette nouvelle corde à son arc, Pinard entrevoit une expansion de sa saison de production visant l’efficience énergétique. Une fois la saison des fleurs annuelles terminée, les serres et les champs trouvent une nouvelle vocation en accueillant des cultivars sélectionnés pour leur couleur et leur résistance.

Nul besoin de chauffage ou d’éclairage artificiel. L’usage de pesticides est quasi inexistant dans cette culture, contrairement à celle des fleurs fraîches qui en nécessitent pour leur conservation. De plus, on vise un marché local de détaillants pour distribuer cette production.

Dans cette présente étape de recherche et développement, le marché visé par le grossiste en fleurs s’oriente vers les fleuristes, entreprises en décoration ou en événementiel. Lors de notre passage, Cynthia Gagné avait justement confectionné toute une gamme de bouquets destinés à une réception de mariage: bouquet de la mariée, boutonnières et centres de table assortis.

Pour la vente au détail en ligne, on a fait l’acquisition d’un nouveau nom de domaine avec pinard.ca. Des bouquets aux noms évocateurs de cocktails colorés y sont offerts à l’année. Prochain test de mise en marché: le temps fort de la Saint-Valentin.

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